Un demi million d’euros ! La flamme olympique en Mayenne. Bonne idée ?

Dans l’air chargé d’anticipation qui enveloppe la Mayenne à l’approche du 29 mai 2024, une question plane comme une ombre sur les festivités à venir : celle de la pertinence du passage de la flamme olympique dans ce département rural de l’ouest de la France. Alors que les préparatifs battent leur plein pour accueillir ce symbole millénaire de l’unité et de la fraternité humaine, les voix discordantes se font entendre, remettant en question l’opportunité d’une telle célébration dans un contexte économique tendu. Cet événement, censé incarner les idéaux de paix et d’harmonie, se retrouve ainsi au cœur d’un débat complexe, mêlant considérations financières, héritage historique et préoccupations contemporaines. Dans cette introspection sur la signification profonde de la flamme olympique en terre mayennaise, nous sommes invités à nous interroger sur le sens véritable de cette tradition et sur les choix que nous faisons en tant que société.

Le 29 mai 2024, la Mayenne se pare de ses plus beaux atours pour accueillir la flamme olympique, symbole éclatant de paix et d’unité. Cependant, derrière cette célébration majestueuse se dessinent des réalités plus terre à terre. Le parcours soigneusement tracé de la flamme à travers les sept communes du département révèle les défis logistiques et les contraintes qui accompagnent un tel événement.

À Château-Gontier-sur-Mayenne, le coup d’envoi de la procession est marqué par une entrée en scène digne des grandes épopées, alors que la flamme fait son apparition en aviron. Cependant, au-delà de cette splendeur, les riverains sont confrontés à des perturbations inévitables. Restrictions de circulation, fermetures temporaires de sites historiques : autant d’embûches qui viennent ponctuer la vie quotidienne de cette charmante commune.

Le cortège poursuit son chemin à travers les villes et villages de Cossé-le-Vivien, Sainte-Suzanne-et-Chammes, Chailland, Mayenne, Pré-en-Pail-Saint-Samson et Laval, dévoilant ainsi les joyaux cachés de la Mayenne. Mais derrière la grandeur des festivités, se cachent les contraintes : des parkings fermés, des routes barrées, des sites touristiques temporairement inaccessibles. Ces obstacles, bien que nécessaires pour assurer le bon déroulement de l’événement, ne manquent pas de rappeler les réalités quotidiennes des habitants.

Alors que la flamme olympique illumine les rues de la Mayenne, il est important de reconnaître les efforts déployés pour faire de cet événement un succès. Toutefois, gardons à l’esprit les défis et les sacrifices consentis par ceux qui vivent dans les communes traversées. Cette célébration de l’esprit olympique doit être l’occasion de saluer la résilience et la détermination de toute une communauté.

Au milieu des préparatifs flamboyants pour son passage, un sujet crucial reste en retrait : la désertification médicale. Alors que le département peine à maintenir des services de santé de proximité, l’investissement financier dans un événement éphémère soulève des questions sur les priorités de financement.

Selon les déclarations d’Olivier Richefou, président du Conseil départemental de la Mayenne, le coût total de l’événement est estimé entre 450 000 et 480 000 euros. Le Conseil départemental a consenti à contribuer à hauteur d’un tiers de cette somme, soit environ 150 000 euros. Cependant, dans un contexte où de nombreuses zones rurales de la Mayenne souffrent d’une pénurie de médecins et de professionnels de santé, cet investissement semble démesuré.

Alors que des milliers de Mayennais luttent pour accéder à des soins de santé de base, le financement du passage de la flamme olympique soulève des questions sur les priorités budgétaires. La désertification médicale est un problème urgent qui nécessite des solutions concrètes et un investissement soutenu. Pourtant, les ressources allouées à cet événement festif pourraient être utilisées de manière plus stratégique pour répondre aux besoins essentiels de la population.

Face à ces enjeux, il est impératif que les autorités locales examinent attentivement leurs décisions de financement et qu’elles s’engagent à trouver des solutions durables pour lutter contre la désertification médicale. Le passage de la flamme olympique, bien que symbolique, ne doit pas reléguer les préoccupations de santé publique au second plan.

Ce même passage, c’est aussi l’occasion de parler d’un lourd héritage historique : son origine nazie. Contrairement à la croyance répandue selon laquelle cette tradition est un vestige de la Grèce Antique, elle est en réalité le fruit de l’idéologie propagandiste d’Adolf Hitler et des nazis.

L’idée de faire parcourir la torche à travers différents pays jusqu’au lieu des Jeux est née dans l’esprit de Carl Diem, secrétaire général du comité d’organisation des Jeux de Berlin en 1936. Cette initiative a été immédiatement adoptée par Hitler et Goebbels, qui y ont vu une opportunité de promouvoir l’idéologie nazie.

Le choix de commencer le relais en Grèce et de le terminer à Berlin, symbolisant ainsi une continuité entre l’ancien et le nouveau pouvoir aryen, révèle l’intention propagandiste profonde du régime nazi. Cette cérémonie visait à établir un lien entre l’Allemagne d’Adolf Hitler et la grandeur de la Grèce Antique, tout en promouvant l’idée de la supériorité raciale allemande.

Pendant les Jeux olympiques de 1936, le régime nazi a exploité habilement l’événement pour camoufler son caractère raciste et militariste, offrant au monde une image trompeuse d’une Allemagne pacifique et tolérante. Le relais de la torche olympique, avec ses connotations de pureté et de grandeur, a été utilisé comme un outil de propagande pour séduire les Allemands, en particulier les jeunes, et les attirer vers le mouvement nazi.

Ainsi, bien que la cérémonie de la flamme olympique soit désormais dépourvue de sa signification nazie originelle (du moins je l’espère), elle reste symboliquement attachée à son passé. La torche elle-même, fabriquée en 1936 par Krupp, une entreprise allemande connue pour sa production d’acier et d’armements, incarne cette histoire sombre et controversée.

Dans cet état de questionnement sur la pertinence des Jeux olympiques dans le contexte actuel, il est difficile de ne pas évoquer l’expression latine « panem et circenses » (« du pain et des jeux »), souvent associée à la stratégie des empereurs romains pour apaiser le peuple et détourner son attention des problèmes politiques et sociaux. Comme autrefois, l’organisation des Jeux olympiques pourrait être perçue comme une tentative de camoufler les fissures d’un système, de masquer les défis économiques, sociaux et politiques sous le prétexte d’une fête sportive internationale.

À l’instar des Romains, qui utilisaient les jeux du cirque pour distraire et apaiser les masses, les dirigeants d’aujourd’hui pourraient être tentés de déployer les Jeux olympiques pour détourner l’attention des crises et des tensions qui secouent la société. Cependant, dans un monde de plus en plus conscientisé et connecté, où les citoyens sont de plus en plus prompts à remettre en question l’autorité et à exiger des comptes, cette stratégie pourrait ne plus être aussi efficace qu’autrefois.

Ainsi, en posant un regard critique sur les Jeux olympiques, il est essentiel de se demander si cette célébration mondiale du sport est véritablement un moyen de promouvoir l’unité et la paix, ou si elle sert plutôt à maintenir un statu quo fragile en occultant les véritables enjeux. Dans cette optique, le symbole de la flamme olympique pourrait révéler bien plus qu’une simple tradition sportive : il pourrait mettre en lumière les dilemmes et les contradictions d’une société en quête d’identité et de sens.

Pierre d’Herbais.

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